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Читем онлайн Том 4. Письма 1820-1849 - Федор Тютчев

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Я выезжаю отсюда послезавтра, то есть 18-го, и надеюсь быть в Варшаве около 21-го; ты хорошо сделаешь, если на всякий случай пришлешь мне туда письмо до востребования. Я провел здесь двенадцать дней и льщу себя надеждой, что мое пребывание не лишено успеха. Великая герцогиня и вся ее семья осыпали меня любезностями, особенно сама великая герцогиня. Это поистине бесценная женщина. Одним словом, она обещала мне похлопотать, употребив все усилия, за Анну перед великим князем наследником и его супругой, которых она ожидает здесь к концу месяца. Но особенно приятно было то, как ласково она выразила свою готовность помочь*.

Я почти каждый день обедал у нее или проводил вечер. Вчера я провел вечер у ее сына, наследного великого герцога, где застал его тестя, нидерландского короля, который находится здесь уже несколько дней*. Словом, если бы прием, оказанный мне безразличными людьми, мог заменить мне твое присутствие, то я бы, конечно, не испытывал того нетерпения увидеть тебя, какое теперь испытываю. Это очень глупо, я понимаю, но, похоже, эта глупость уже неисправима.

Прости, моя кисанька, я царапаю бумагу, вместо того чтобы писать. Дай Бог, чтобы это письмо застало тебя в добром здравии и уже на месте. Обнимаю детей один раз, а тебя — тысячу раз. Ф. Т.

Вяземскому П. А., февраль 1848*

145. П. А. ВЯЗЕМСКОМУ Февраль 1848 г. Петербург

Vous voyez bien, mon Prince, que je ne me suis pas exagéré la portée des nouvelles d’hier*. Et maintenant, ne pensez-vous pas que je pourrai bien avoir raison, en prévoyant la guerre européenne pour le printemps prochain.

Mais je crains bien que ma femme ne soit ruinée de cette affaire* — c’est triste.

T. T.

J’ai déjà lu le journal.

Перевод

Вы видите, любезный князь, что я не преувеличил значение вчерашних событий*. И теперь подумайте, не окажусь ли я прав, предсказывая начало европейской войны этой весной.

Но боюсь, как бы моя жена не разорилась вследствие этих дел* — это очень печально.

Ф. Т.

Я уже прочел газету.

Пфеффелю К., 15/27 марта 1848*

146. К. ПФЕФФЕЛЮ 15/27 марта 1848 г. Петербург

Рукой Эрн. Ф. Тютчевой: Lundi. 15/27 mars

Votre lettre du 15 de ce mois vient de me parvenir, cher ami; vous avez bien raison de penser que vous nous intéressez vivement, en nous écrivant souvent par le temps qui court. Je voudrais recevoir tous les jours de vos nouvelles, et je vous supplie de ne pas être ménager de lettres à l’avenir. Votre article à Mr Kolb* a fait grand plaisir à mon mari, dont les idées coïncident si parfaitement avec les vôtres sur beaucoup de points essentiels — malheureusement chaque jour du mois fatal qui vient de s’écouler a l’étoffe d’une dizaine d’années de débats révolutionnaires, consumés enfin par l’oeuvre de l’abolition de la Royauté. Ce que l’on a pensé aujourd’hui et ce qui paraissait parfaitement de mise ne s’applique plus à l’évènement du lendemain — et enfin, spéctateurs épouvantés du grand drame qui se joue, il semble que nous n’ayons plus qu’à attendre les bras croisés et les fronts inclinés le dénouement qu’il plaira à la Providence de donner à tant de confusion.

Le Roi de Bavière est dégoutant; de tous les Princes de l’Allemagne c’est peut-être le seul qui aurait mérité qu’on le chassât, et si on ne l’a pas fait, quelle longanimité cela suppose dans son excellent peuple. Mais ce qui n’est pas fait se fera, je n’en doute pas, si ce n’est par le fait de l’émeute ce sera par ceui d’un nouvel état de choses en Allemagne*. — Pauvre Roi de Prusse: il me fait une peine bien sincère, mais un Roi auquel on a crié <1 нрзб> et qi s’est présenté à son peuple dans l’état, où il était, lorsqu’il a voulu parler aux émeuteurs et qu’on a dû le soutenir sous les bras pour qu’il fût paraître à son balcon, me semble à peu près impossible désormais*. — Enfin, Dieu sait — peut-être qu’à l’heure, où je vous écris, plus d’une question est résolue.

Et où en sont nos malheureux fonds autrichiens depuis le bourrasque viennoise qui a emporté le Prince Metternich* et dont vous devez avoir eu la nouvelle peut-être le lendemain du jour, où vous m’écriviez. J’ai fait venir ici mon petit solde de compte chez Rotschild. A raison de c<omp>te — 57 le rouble d’argent c’est une somme de 4863 roubles que je placerai soit à la banque, soit en obligations russes. Que n’avons-nous ici tout notre avoir et que n’ai-je plus tôt suivi le conseil de mon mari qui depuis le commencement de l’année ne cessait de me répéter à moi et à beaucoup d’autres incrédules qu’une crise était imminente. Je dois lui rendre la justice de dire qu’il a fait preuve depuis quelques mois surtout d’une divination réellement extraordinaire. Néanmoins il est excessivement ému et attristé de tout ce qui se passe, beaucoup plus que tant d’autres, pour lesquels la surprise a été plus fotre.

Aussitôt après la nouvelle de l’abdication de L<ouis> P<hilippe> et celle de la proclamation de la République* j’ai écrit à Eichthal pour lui remettre le soin de sauver mon avoir d’un nauffrage complet. J’attends d’un jour à l’autre sa réponse, mais je pense que le vol si rapide des évènements l’aura obligé d’ajourner toute opération décisive et qu’il verra venir. Mais que verra-t-il? Que verrons-nous?

Je vous adresse cette lettre à Francfort, où je suppose que vous arriverez à peu près en même temps qu’elle, si toutefois vous réalisez votre projet de quitter Paris au commencement d’avril.

Donnez-nous les détails sur la situation extérieure de Paris, sur celle des villes que vous aurez traversées! Beaucoup de détails, je vous en prie, cher ami; vos lettres sont lues avec avidité non seulement par nous, mais aussi par quelques unes des personnes de notre intimité qui toutes sont à même de les apprécier. L’avant-dernière* m’est parvenue le soir et elle a fait les délices d’une réunion qui avait lieu chez l’un de nos meilleurs amis; la C<om>tesse Nesselrode s’y trouvait.

Il paraît donc que le grand Vicomte ne donne pas son adhésion à la République et qu’il va bondir à Munich*. J’en suis fâchée pour vous et j’aurais voulu qu’il eût choisi un autre refuge contre les atteintes de la tempête. Mille tendresses à votre femme et vos enfants chéris. Je vous embrasse de coeur et d’âme. E. Tutchef

Рукой Ф. И. Тютчева:

Que peut-on dire, cher ami, dans un moment pareil? Il faut se taire et adorer cette Main qui châtie et qui, cette fois, s’est dégagée toute visible du nuage… De notre point de vue humain voilà ce qui ressort avec une écrasante évidence. La Révolution, dernier mot d’une civilisation faussée dans son principe et que nous nous plaisions à considérer comme une maladie de croissance, est tout bonnement le cancer. Peut-on espérer d’en limiter les ravages au prix même des plus cruelles opérations, ou bien toute la masse du sang en est-elle déjà atteinte? Voilà une question qui sera résolue avant peu de semaines. Pour ce qui est de la Russie en particulier, la question est celle-ci: la Révolution, qui pour l’Occident est un mal intérieur qui la ronge, est par rapport à la Russie un ennemi tout matériel et tout palpable qui n’en veut pas seulement à son âme, mais tout bonnement à son existence, qui veut, en un mot, sa destruction, comme la voulait dans un moment donné le grand Napoléon. Et en ceci la Révolution est parfaitement conséquente, elle a compris à merveille qu’entre elle et nous, c’est un combat à mort*. Vita Caroli — Mors Conradini*.

Il faut que l’un des deux adversaires fasse définitivement place à l’autre. Maintenant la Révolution saura-t-elle comprimer assez l’anarchie qui la dévore, pour se transformer en une croisade armée et régulière contre nous, nous lancera-t-elle de nouveau, comme en 1812, tout l’Occident à la tête?

Voilà, encore une fois, ce que peu de jours suffiront pour nous dévoiler. — Dans le cas d’une agression je crois pouvoir vous assurer qu’avec l’aide de Dieu nous nous défendrons, comme en 1812. Si au contraire l’anarchie l’emportait définitivement en Europe, j’aime à croire que nous serions, je ne dis pas assez sages, mais assez respectueux envers la Providence pour ne pas intervenir dans Ses jugements… Non certes, cette fois on n’aura pas la coupable ineptie de tenter une Réstauration, de compte à demi avec la Révolution…

La pauvre Allemagne me fait une peine que je ne puis dire. Ah, pauvre pays, quel soin il prend de nous venger de l’absurde ingratitude qu’il s’est laissé imposer à notre égard*. — Toutefois je ne désespère pas de son avenir.

Перевод

Рукой Эрн. Ф. Тютчевой:

Понедельник. 15/27 марта

Мне только что подали ваше письмо от 15 числа сего месяца, милый друг; вы совершенно правы, когда говорите, что ваши письма в настоящую минуту для нас чрезвычайно интересны. Мне бы хотелось получать от вас вести каждый день, умоляю вас и впредь не скупиться на письма. Ваша статья, адресованная г-ну Кольбу*, доставила большое удовольствие моему мужу, мысли которого по многим важным вопросам полностью совпадают с вашими. К несчастью, каждый день уходящего месяца стоит десяти годов революционных дебатов, приведших в конце концов к уничтожению Монархии. Все, о чем помышляли сегодня и что казалось совершенно приемлемым, уже не отвечает событиям завтрашнего дня. И в конце концов напуганные свидетели разыгрывающейся на наших глазах великой драмы, похоже, мы вынуждены, сложив руки и склонив головы, дожидаться такой развязки смуты, какая будет угодна Провидению.

Баварский король отвратителен; из всех германских государей он, наверное, единственный, кого стоило бы прогнать, и если его бесценный народ этого еще не сделал, то лишь благодаря своему долготерпению. И хотя этого пока не случилось, но случится обязательно, я в этом не сомневаюсь, может быть, не путем восстания, а благодаря новому устройству Германии*.

Бедняжка прусский король: мне его искренне жаль, но король, которому кричали: <1 нрзб> и который предстал перед народом в том состоянии, в каком он находился, когда он захотел обратиться к бунтовщикам и его пришлось поддерживать под руки, чтобы он смог выйти на свой балкон, мне кажется, не имеет будущего*. — В конце концов, одному Богу известно — возможно, в ту минуту, когда я пишу к вам, уже многое разрешилось.

А что с нашими несчастными австрийскими бумагами после венского взрыва, унесшего князя Меттерниха*, о чем вы, вероятно, узнали на следующий день после того, как писали ко мне? Я перевела сюда остаток моего небольшого счета у Ротшильда. Исходя из 57 за один рубль серебром, это должно составить 4863 рубля, которые я хочу поместить в банк или перевести в русские ценные бумаги. Почему все наше состояние не здесь и почему я раньше не послушалась мужа, который с самого начала года не уставал повторять и мне и многим другим неверующим, что кризис неминуем. Надо отдать ему должное — он выказал, особенно за последние несколько месяцев, поистине поразительную проницательность. Однако он чрезвычайно взволнован и огорчен происходящим, гораздо сильнее, чем те, для кого события стали совершенно неожиданными.

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